De quel droit des connaissances, croyances et pratiques culturelles qui en découlent, marginales ou non, devraient être interdites, dénigrées ?!
Les bibliothèques de l'ombre peuvent avoir cette vocation de maintenir en accès des ouvrages peu édités, sinon interdits. Un choix de la part de certains modérateurs et modératrices qui jugent selon leur orientation politique (parfois libertarienne) qu'aucune force politique ne devrait dicter/contraindre l'action libre des individus (souverains·souveraines), capables d'auto-discernement. L'individu tout-puissant est responsable des conséquences de ses actes (et de sa destiné) : acteur.actrice de sa vie.
Wikileaks
la position radicale de Wikileaks qui, en filtrant dans une moindre mesure, s'en remet à l'intelligence collective pour faire bon usage des données et du réel qu'elles mettent en perspective. On redonne ainsi la capacité d'auto détermination sur le réel dont la lecture est tronquée à cause d'une opacité d'accès/lisibilité. WL à fait fuiter (sortir, rendu public) ce qui est retiré du connu/commun, ce qui est gardé secret. L
L'organisation controversée agit en transparence, en estimant que les institutions profitent de l'opacité pour agir en toute impunité, sans avoir de compte à rendre. Ainsi, temporairement, WL a retiré le monopole du secret, a intégré leurs activités au débat public qu'ils tentaient d'éviter ; les a rendus responsables des conséquences de leurs activités illégales (ou outrepassant leurs champs d'action légitimes, prises hors du champ démocratique).
"Privacy for the weak, transparency for the powerful"
Citation attribuée à Julian Assange, fondateur de Wikileaks
WannaCry / Vault7
Un large catalogue d'armes numériques utilisées par les services de renseignement américains est révélé par Wikileaks et l'ultime dossier intitulé Vault7Une documentation qui n'aurait pas du fuiter (leak de la part des ShadowBrokers), WikiLeaks aurait dû les garder secrets à leur tour sans révéler la force de frappe des États-Unis ? En étant hébergés et accessibles au téléchargement, ces outils de pénétration informatique ont fait des ravages (WannaCry). L'argument avancé sur le terrain de guerre numérique est que la capacité de nuisance (de pénétration) aurait du rester entre les mains des "gentils" à qui il aurait incombé la responsabilité d'un usage nécessaire et bienfondé. En indexant ces outils au registre des connaissances contemporaines, Wikileaks a révélé/documenté leur dangerosité.
L'organisation a rendu publique une bibliothèque/librairie d'outils dangereux : un arsenal de guerre numérique. Une position politique radicale souvent critiquée par ses détracteurs. En agissant pour le bien collectif, le droit à l'information, Wikileaks met-il en danger les activités de terrain ? Est-il responsable des retombées négatives, des usages malfaisants des outils révélés, rendus publics et utilisés par des groupes hackeurs ? Sont-elless, par le secret qui les entoure et la dangerosité des outils qu'elles renferment, à considérer comme des bibliothèques de l'ombre ?
Modérer sans limite
Une fois encore, nous il est ici question de modération de contenus et de l'aspect problématique des appareils de jugement/évaluation qui justifient de garder ou non un contenu accessible (totalement ou partiellement). Les GAFAM, traitant de larges amas de données, se sont équipé d'outils automatisant cette tache que des humains viennent parfois évaluer pour éviter les faux-positifs. Il s'agira par de protéger l'exposition à des contenus haineux ou violents, mais on le sait aussi , à invisibiliser des contenus politiques. La fine limite entre modération et censure pose problème. L'immixtion d'intermédiaires politiques dans les espaces semi-publics dérange les publics pour qui l'autodétermination des individus est plus importante que la bienséance prétendue.
Bibliothèques/réseaux non partisan·es ( apolitiques )
Les bibliothèques de l'ombre justifient leur ouverture par la nécessité de maintenir accessible des œuvres qui pourraient disparaitre. Elles invoquent un devoir de préservation/sauvegarde ouverte et libre (dont les savoirs minoritaires, peu édités, font partie). Un rôle bienfaiteur/protecteur, celui de maintenir en vie, peu importe leur bon goût politique ou l'origine d'une œuvre. Leur rôle serait neutre, non-éditorialiste : elles auraient une position neutre, non partisane (sinon compliquée à tenir). C'est le cas des bibliothèques grossistes comme Libgen ou Z library
Responsabilité des FAI / hébergeurs
En définitive, elles tiennent la même position apolitique que pouvaient avoir les FAI se positionnant comme non responsables des contenus circulant sur leurs réseaux. Elles fournissent un accès, ce sont les hébergeurs qui sont responsables, ou plutôt leurs clients qui louent ces espaces. Une position neutre, apolitique, bien confortable car déléguant la responsabilité aux usagers finaux (aux clients). Une critique souvent faire aux plateformes/protocoles anonymisant qui protègent des activités illicites et les incriminent moralement comme responsables (inversant la responsabilité : si le couteau existe, c'est un usage particulier qui en sera fait qui sera préjudiciable et qu'il faudrait interdire).
Tor + Chat Control
Une association comme Tor, répondra qu'il faut lutter contre les contenus pornographiques illicites diffusés via les protocoles qu'ils mettent en place mais, pour autant, garantir des solutions de défense de la vie privée : sans compromis. Une position imparfaite selon les forces de polices et associaitons de prévention aux violences faites aux enfants qui jugent que la radicalité de l'anonymat qu'offre le chiffrement devrait contenir des portes dérobés, des moyens exceptionels, permettant "aux gentils" d'accéder aux contnenus dans le cadre d'une enquête. C'est le propos du documentaire d'Arte au sujet du grooming, qui va dans le sens d'une surveillance préventive des réseaux.
Danger d'exposition des thèses controversées
Il faut bien entendu chasser les thèses qui portent atteinte aux individus, limiter leur propagation. Mais, dans le même temps, nier cette réalité culturelle historique, gommer le racisme, la xénophobie, ne résout pas le problème de leur existence. Ce qui compte, en les expurgeant de la scène publique, de l'espace politique, c'est d'empêcher leur banalisation, d'éviter l'adoption de ces points de vue. Mais, malgré tout, ce filtrage imparfait produit du ressentiment pour celles et ceux dont la parole est interdite. Ce ressentiment peut d'ailleurs renforcer leur sentiment d'être incompris.es, non considéré.es.
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Leur exclusion peut renforcer leur sentiment qu'il leur faut s'organiser pour résister aux attaques. Contre cette pensée lisse/filtrée, "bien pensante", les collectifs marginalisés s'organisent sur des plateformes qui leur sont plus clémentes dont quoi:X (ou encore Rumble), sous couvert de liberté d'expression, refusent tout arbitrage, diminuent les moyens alloués à la modération, évitant ainsi le rôle politique de jugé, d'arbitre et de censeur [source, datas/stats]
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Il nous faut lutter (c'est-à-dire nous équiper de moyens judiciaires/citoyens/techniques proportionnés) pour punir les discours xénophobes, racistes, violents, etc. Or, les espaces platformisés du web nous en déchargent de cette tâche oppositionnelle. Elles choisissent pour nous ce qui est présent dans le réel, préfèrent notre engagement indigné plutôt que notre déconnexion/lassitude/ennui (perdre notre attention). Leurs CGU nous imposent un régime de gouvernance dont les sanctions qui en découlent ne sont pas toujours explicites (EX/ shadow_ban). Nous délèguerons aux algorithmes et aux filtres humains la tâche sensible de réfuter un propos, de refuser une image. Ce qui est retiré de l'espace public-politique commun semble l'être depuis une force extérieure de la volonté collective, naturalisée comme allant de soi. Un statu quo qui nous ramène à reproduire un régime de gouvernance féodaliste.
Les applications (à commencer par le web), sont proposées comme services. Nous sommes tributaires des évolutions consenties par les entreprises monopolistiques qui développent des solutions logicielles dont on peut rarement se passer. Nombreux sont les espaces du web à interdire certains fichiers, à rendre suspectes des activités qui s'éloignent des comportements attendus. Plus généralement, la surpuissance analytique des algorithmes de surveillance scrute les virtualités déviantes, les patterns suspects.
Une chasse à la déviance tout à fait louable, mais qui peut très vite se retourner contre nos libertés individuelles. Intrusives, elles peuvent devenir liberticides, injustes ou instrumentalisées à des fins politiques. Laisser faire n'est pas une position responsable, il faut s'équiper de moyens de gouverner. Il reste aux populations dont les activités sont criminalisées à travers le globe à se réfugier et à maintenir des réseaux alternatifs dont les surcouches protectrices permettront, malgré tout, de vivre et de se développer.